Emeishan, l’une des montagnes sacrées bouddhistes
On est pas forcément les sportifs les plus avérés, encore moins de grands grimpeurs, mais on s’est quand même fixé quelques challenges pour découvrir la Chine autrement qu’à travers ses grandes villes et surtout sans rester les fesses posées dans des sièges de bus, de voitures électriques, ou de télécabines à regarder le paysage défiler. On a donc décidé de se lancer le défi de monter à pied les innombrables marches du Mont Emeï, près de 60’000, classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, et qui est l’une des 4 montagnes sacrées Bouddhiste. On distingue en effet les Cinq Montagnes sacrées chinoises (dont fait parti le Mont Hua, et plutôt basées sur la religion Taoïste, très largement inspirée du Bouddhisme) et les Quatre montagnes sacrées Bouddhistes. Alors qu’est-ce que ce Mont possède de si spécial pour être considéré comme sacré ? Une fois au sommet, à 3’077m d’altitude, certains jours, on surplombe une magnifique mer de nuages. Il semble qu’il soit alors possible d’y apercevoir à de très rares occasions, un phénomène de réfraction de la lumière sur les nuages, qui a alors été associé à l’auréole de Bouddha, soit son ombre entouré d’un halo. Nombre de fidèles se seraient alors jetés depuis le haut de la falaise pour aller le rejoindre. Au delà de ces croyances, le Mont Emeï est un ensemble de pics et de vallées recouverts de forêts évoluant avec l’altitude, habités par des singes, et parcourus par plusieurs chemins d’escaliers menant à de nombreux temples. C’est également là que serait née une technique de combat inspirée des singes (le fameux Shaolin Monkey Fighting ! pour les non-initiés, y a qu’à regarder Kung-Fu Panda et vous comprendrez !). Un certain moine l’aurait mise au point depuis le temple Baogan au pied du Mont, c’est en tout cas ce qu’on a compris en le visitant
Premier jour d’ascension
On était motivé, mais quand même pas au point de commencer du point zéro au temple de Baogan. En effet, on avait prévu que deux jours sur place pour monter, redescendre et rentrer à Chengdu, et ça nous obligeait donc de faire un petit bout d’ascension motorisée. Et là, merci la madame du guichet de bus, sympathique comme une porte de prison, qui nous répond à peine et surtout qui refuse de nous vendre n aller-simple pour la première étape. Ben oui les chinois ont l’habitude de ne passer qu’une journée sur le Mont Emeï, sans trop marcher, et prennent donc automatiquement un aller-retour. On décide donc de nous embarquer avec un jeune local qui parle trois mots d’anglais et qui nous propose un prix plus ou moins attractif (50¥ pour les 2) pour nous emmener à Wuxiangang (710m d’altitude), l’un des points de départ du trek mais également le début d’une petite marche pour arriver à la zone dite « écologique » des singes, visitée par nombres de touristes chinois. Théoriquement, pour arriver à notre point de chute au milieu de la montagne, le Yuxiang Temple, on devrait en avoir pour 7h d’effort. Il est 11h et on démarre donc notre marche avec plein d’entrain sur un chemin plat qui nous mène à un joli étang entouré d’hôtels et de boutiques, où se suivent en file indienne les touristes. Pour mettre les choses à plat, lorsqu’on parle de touristes, on parle de touristes « chinois », car ils sont extrêment nombreux et toujours agglutinés aux mêmes endroits. Dans la très très grande majorité des cas, les touristes occidentaux sont ceux qui marchent et qui prennent le temps de visiter. C’est une réalité valable pratiquement partout en Chine. Sur le chemin, on s’essaie à une denrée locale vendue tous les 20m, une saucisse empalée sur un pic à borchette. A la vue, ça ressemble à une saucisse à rôtir, au goût c’est une saucisse de morteau très fumée et surtout très piquante ! Nos estomacs remis, on suit le mouvement des visiteurs et après environ une heure de marche dans des gorges étroites, sur des chemin bien préparés, on arrive vers la zone des singes censée être écologique. Elle n’a en réalité d’écologique uniquement le fait que les singes sont en pleine libérté (pour autant que cela puisse être considéré comme écologique dans un tel contexte). Tous les touristes montent ici pour les voir, mais également les nourrir. Dans une telle cohue, les primates en sont devenus sans gène, aggressifs et voleurs. Nath en a fait les frais d’entrée de jeu, un singe lui ayant grimpé sur l’épaule, poursuivie au milieu des touristes et pratiquement arraché le mollet… non on va pas aller jusque-là, mais elle s’est bien faite pincer le mollet, et il s’est pris par la même occasion un petit coup de pied au passage. On comprend mieux les avertissements sur certains blog et la vente de bambous en bas de la montagne (double usage de bâtons-de-marche et de bâtons anti-singes). Pour notre part on a utilisé le stick à selfie de la GoPro pour notre protection. On s’est donc bien vite éloigné de cette zone de joyeux bordel. En continuant on se retrouve enfin un peu au calme et on croise un autre groupe de singes au bord du chemin. Un groupe de touristes est là également, et on regarde un jeune singe se créper le chignon avec l’un de ses congénères lorsque Lorin fait à son tour l’expérience de la malice des primates. Et hop une bouteille de thé froid prise directement du sac (la bouteille d’eau, juste à côté ne l’a bien entendu pas intéressé…). Une fois remis de ces mésaventures, on a poursuivi notre chemin sans plus en rencontrer. C’est également le commencement de longues heures à gravir la montagne marche par marche. On ne les a pas comptées, mais en gros, il y a des escaliers à perte de vue et chaque mètre à plat est perçu comme un soulagement. A chaque fin d’escaliers on pense être au bout de nos peines, mais on s’apercoit à chaque virage que le double de marches nous attend. On va pas mentir, le Mont Emeï c’est des marches, des marches et … des marches. Mais au delà de tout ça, les payages sont magnifiques. On se balade dans une fôret luxuriante, avec des vues fantastiques sur des vallées, des gorges, des pics et des falaises. Le chemin est bien fait, « à la chinoise », à savoir, plat, en pierre, et avec des marches régulières. Après près de 6h de marche on arrive enfin au premier monastère, le Xianfeng Temple.On s’était fixé le monastère suivant à encore 1h30 de marche (Yuxiang Temple), mais vu l’état de nos cuisses et l’heure, on décide de nous arrêter-là. L’accueil est très froid (à l’image de la nuit), et les prix élevés (70¥ par personne, pour dormir dans un dortoir vide qui n’a pas du changer depuis que les moines y séjournaient, sans chauffage et avec des sanitaires très simples, bien entendu pas d’eau chaude, mais avec un semblant de Wi-fi par contre !). On s’attendait pas à mieux, juste à un prix un peu plus décent ou au moins un accueil un peu plus chaleureux. On mange un bouillon à 15¥ et on se met au lit à 19h, enmitouflés dans nos sacs de couchage, tout habillés, et avec 3 couvertures sur nous… il fait froid dans la montagne ! On met notre réveil à 6h pour repartir avant l’aube.
Deuxième jour, encore et toujours des marches
On démarre notre seconde journée de marche(s) de nuit avec la lampe frontale, pour ralier le sommet. On est bien pressé d’y arriver pour admirer cette hypothétique mer de brouillard. On monte des marches, et encore des marches, et toujours des marches pendant que l’aube se pointe. On commence à apercevoir ce qui devrait être des pics, mais ils sont en réalité etouffés par les nuages. On se dit que, peut-être, le sommet se trouve dégagé juste au-dessus ! Allez, on est motivé ! On arrive à la Elephant pool en 2h30, au lieu de 3h, c’est plutôt pas mal pour un début de journée et on se dit qu’on arrivera à monter jusque tout en haut et redescendre à la station de bus proche du sommet sans prendre le télésiège ! Il nous resterait théoriquement environ 5h de marche et il n’est à ce moment-là que 9h. La végétation change gentillement, et on retrouve « un peu » nos forêts montagnardes, bien humides et fraîches. Il y a certaines portions à plat, qui nous font le plus grand bien, et on croise régulièrement des gens qui redescendent, mais vu comme ils sont frais et habillés c’est sûr, ils ne sont pas montés à pied ! On a l’impression de monter de plus en plus dans le brouillard qui s’épaissi à chaque pallier. Et puis, enfin, on traverse ce qui devrait être la dernière « Monkeys Zone » où on espère ne pas en croiser et on entend le bruit de la civilisation (des klaxons et des bus)…On arrive à Leidongping (2430m d’altitude). On est dans une « purée de pois » comme on dit chez nous et la vue tant des falaises que du sommet n’est clairement pas au rendez-vous. Il fait froid, il pleuvine presque tellement l’air est chargée en humidité et on ne voit pas grand chose. Après deux jours de trek seuls dans la forêt, on se retrouve au beau milieu d’une horde de touristes (chinois) et des dizaines de bus, qui arrivent et repartent tous plein à craquer. Tous ces gens montent ici pour n’être plus qu’ à 2h de marche du sommet ou à 20 minutes de télésièges, c’est selon. Nous avons pour notre part estimé que le sommet d’une montagne sacrée ça se mérite ! Pour le coup, on a été un peu déçu d’arriver dans cette cohue bruillante. Les singes font également leur retour à cet endroit et ce n’est pas étonnant puisque tout le monde les nourris… On fait un petit tour et on tombe sur une superbe photo géante d’un paysage qui nous rappelle un peu notre Comté. Il s’agit en fait du Rigi, montagne suisse jumelée avec le Mont Emeï ! Une petite photo s’impose donc. Pour ne pas avoir de regrets on s’est quand même permis de demander à des gens qui redescendaient s’il avaient vu le soleil tout en haut. En effet ça aurait été dommage d’être si près du but dans le brouillard et que le sommet soit à la lumière juste au-dessus. Le réponse étant négative nous avons décidé de redescendre en bus jusqu’à Baogan.
En résumé, le trek vaut vraiment la peine et les paysages sont superbes. Même si le passage par la « Joking Monkey Zone » est un peu décevante et bondée, le reste est magnifique. Il faut admettre que la marche est épuisante et qu’il faut quand même un certain physique, mais même pour nous qui ne sommes pas de grands marcheurs, cela n’a pas posé de problème et nous avons suivi notre propre rythme. Il est nécessaire également de bien comprendre qu’il s’agit d’une ascension qui se fait pratiquement en totalité par des escaliers. Il y a des shop un peu partout le long du parcours pour se reposer et reprendre des forces à coup de RedBull ou de Snickers (un peu chers mais au vu des efforts qu’ils faut faire pour les amener on comprend pourquoi…). Si la température peut être agréable en bas (entre 500 et 700m d’altitude, ascension faite le 27 octobre 2015), elle descend fortement en soirée et au sommet (3077m). Il faut donc prévoir une bonne petite laine pour la nuit et l’arrivée. S’il pleut une fois arrivé en haut, vous pouvez toujours louer un imperméable.
Infos utiles et Galeris Photos
Comment y arriver : Prendre un bus depuis Chengdu à la Station de Bus Xinamen. Il y en a toutes les heures, 2h30 de trajet environ. 92¥ aller-retour. Passer à l’auberge Teddy Bear, à Baogan, ils pourront vous renseigner sur l’ascension.
Prix d’entrée : 180¥ , demi prix avec une carte d’étudiant
Descente : Depuis Leidongping Bus Station : 75¥ par personne, 50 minutes environ