Tana Toraja

Tana Toraja, un dépaysement garanti !

thumb_img_0828_1024L’une des principale raison de notre venue en Sulawesi était le Tana Toraja, autrement dit le pays de l’ethnie des Toraja, paradis des ethnologues, connu notamment pour la forme de ses maisons traditionnelles si particulière et également pour la complexité des rites funéraires (à lire un peu plus bas). Mais le Tana Toraja ça se mérite, car c’est un peu perdu au milieu de la Sulawesie, à onze heures de bus de Makassar, la capitale économique de l’île, ou à vingt heures d’Ampana, principal accès depuis ou vers les îles Togian (à lire bientôt). Ainsi la plupart des voyageurs montent de Makassar (voir ici) vers le Nord en passant par le Tana Toraja et la ville de Rantepao (point de départ de toutes les activités de la région), puis continuent leur route sur les îles Togian pour rejoindre ensuite Manado et l’île Bunaken ( à lire bientôt) ou font l’inverse. Mais ce qui est sûr c’est que Rantepao et les Toraja font parti des étapes clés et incontournables d’un voyage en Sulawesi, enfin à notre sens, et il serait dommage de passer â côté, tant au niveau de l’aspect culturel que pour ses paysages sublimes.

OLYMPUS DIGITAL CAMERAOn part donc de bonheur avec Bertus, notre intermédiaire rencontré à Makassar, qui nous a organisé notre séjour à Rantepao, pour aller prendre notre bus VIP! On doit dire qu’on nous avait déjà fait le coup ailleurs en Asie et on ne savait pas trop à quoi nous attendre. C’est donc un peu dubitatif qu’on monte dans le bus pour onze bonnes heures de voyage et là, Haleluia, c’est un vrai bus VIP! Bertus nous avait même réservé les meilleures places (sièges 3 et 4) juste derrière le chauffeur histoire qu’on ait la place pour nos jambes. C’est hyper confort, on a presque l’impression d’être installé dans notre canapé, il y a de la place, des petits coussins, et on peut presque se coucher complètement. La grande classe! En fait, pratiquement tous les bus qui montent de Makassar à Rantepao sont comme ça, et c’est clairement le meilleur bus qu’on ait eut depuis le début de notre voyage! 11h de bus pour faire un peu plus de 300 km c’est beaucoup mais si on compte qu’il nous a fallu près de deux heures pour sortir de l’agglomération de Makassar après mille et un petits arrêts, qu’on a fait trois pauses et que sur les petites routes de montagnes on dépasse rarement les 30 km/h, alors oui effectivement on arrive facilement à ce temps de trajet. On fait la connaissance de Mélissa, une jeune femme toraja qui rend visite à sa famille et qui vit à Bira dans le Sud de la Sulawesi avec son mari anglais. Elle nous parle de croisières, car ils possèdent un superbe voilier sur lequel ils accueillent des touristes pour visiter les îles, notamment Raja Ampat, notre dernière étape en Indonésie (à lire bientôt). Malgré le mauvais temps et les nuages, on profite des paysages montagneux confortablement assis dans nos sièges et on se permet même une petite thumb_img_0793_1024sieste tellement le chauffeur roule tranquillement, et ça, ça nous est rarement arrivé dans un bus. On arrive de nuit à Rantepao, aux alentours de 20h et presque pas fatigués! On essaie de trouver notre guide Paolus qui doit nous attendre à la sortie du bus. On fait les présentations et il nous fait amener à notre hôtel Immanuel en tuk-tuk local, une moto avec deux places à l’avant et dans laquelle on s’entassent avec nos sacs pour quelques centaines de mètres. L’accueil à l’hôtel et la chambre ne sont pas vraiment top top, pas de PQ (on doit insister pour que le proprio nous ramène un rouleau), pas de linges, chasse d’eau qui fonctionne pas, un évier pas utilisable, douche froide et/ou eau brûlante au robinet d’à coté, et pour terminer, quelques petites crottes de rongeurs dans les coins… La grande classe quoi, on a connu bien pire, mais pour le prix qu’on paye la chambre (environ 14.- CHF), c’est pas terrible. Bon pour deux nuits c’est pas la mort non plus, et cela pourrait être bien pire, l’endroit pourrait être également très bruyant, nous empêchant de dormir… à mais non, ça c’est pour la seconde nuit avec une vingtaine de touristes indonésiens débarquant à 23h en déplaçant les matelas et les meubles dans tous l’hôtel et se réveillant à 5h du matin pour aller voir le lever du soleil au Mont Sesean! Bref, pas le meilleur dodo qu’on est eu fait en Indonésie… Heureusement que notre séjour dans une vraie maison Tongkonan avec Paolus, nous aura permis de dormir plus au calme (voir ici). Et vu le programme qui nous attend, cérémonie funéraire, trek de deux jours et visites de tombeaux avec les fameux tau-tau, on se dit que c’est pas une chambre un peu moisie qui va nous empêcher de profiter de l’endroit. On est pas tous les jours, dans le Tana Toraja.

La culture et une identité forte

OLYMPUS DIGITAL CAMERAOLYMPUS DIGITAL CAMERABon, alors on a pas la prétention de faire un cours d’ethno sur le mode de vie des Toraja et ça serait bien trop long et fastidieux de tout décrire tellement leur culture est riche et complexe. Mais c’est un terrain ethnographique absolument fabuleux et pour comprendre un peu mieux ce qui est si particulier ici, il est important de faire connaissance avec les bases de la culture locale. Tout d’abord les Toraja sont une population qui a été chassée de ses terres sur les plateaux un peu plus au Sud et se sont réfugiés dans les montagnes où ils ont developpé l’agriculture sur les pentes escarpées des montagnes (on se situe ici entre 800m pour les villes les plus basses et 1800m d’altitude pour les plus haut sommets). Bien sûr leur histoire débute bien avant cela, mais il y a beaucoup de zone d’ombre sur leurs origines, et  ils seraient un peuple issu de marins, venu de la Chine du Sud. Leur nom leur a été donné par les autres populations et signifierait « paysans » (ou « gens d’en-haut » selon d’autres sources), mais avec une connotation un peu négative qu’on pourrait traduire par « pèquenauds ». Ceux qui les ont bâptisés ainsi devaient être bien loin d’imaginer que maintenant ils font une grande partie de la réputation de la Sulawesi et sont un attrait touristique majeur de l’île, autant pour les touristes étrangers qu’indonésiens, qui viennent en nombre découvrir la complexité de leur culture et la beauté des paysages dans lesquels ils vivent. Parmi tous les éléments qui participent à la richesse de la culture Toraja, trois semblent constituer les fondements de la société. Ce sont le buffle, le tongkonan (maison traditionnelle en forme de bateau) et la mort, particulièrement les funérailles, dont le bon OLYMPUS DIGITAL CAMERAdéroulement dépend des deux premiers éléments. Le buffle est ainsi une pièce essentielle et cruciale des rites funéraires, l’un des moments les plus importants dans l’existence d’un Toraja. On pourrait croire que les buffles sont utilisés pour l’agriculture, mais il n’en est rien, l’animal vit paisiblement sur les terres de son propriétaire ou peut être parfois utilisé lors de combats, mais vous n’en verrez jamais tirer une charrette ou labourer des rizières. Chaque Toraja passe sa vie à économiser pour en acquérir et les sacrifier lors des funérailles d’un proche parent. On y revient un peu plus bas lors de la description des funérailles. Les buffles occupent plusieurs fonctions importantes au sein de la structure familiale, ils établissent le statut social et économique, posent les principes de gouvernance territoriale et est d’importance majeure lors des rites funéraires. Un des autre symboles fort de la culture Toraja, est sa maison traditionnelle, le tongkonan, en forme de bateau en référence aux ancêtres venus par la mer en Sulawesi. Les terres familiales sont liées aux tongkonans autant que les membres d’une famille le sont au tongkonan parental. On peut donc l’identifier comme étant le centre des liens familiaux et territoriaux. Généralement on trouve ensemble le tongkonan familial et en face des plus petites structures de mêmes formes et également décorées, mais ces dernières servent de greniers à riz. D’autre part, c’est dans son tongkonan qu’est conservée la dépouille d’un défunt et c’est devant celui-ci qu’aura lieu la cérémonie funéraire. On arrive donc au troisième aspect principal de la culture Toraja, la mort. Ce n’est pas une fin en soit mais un voyage vers un autre monde qui ne peut être atteint que si les rites funéraires sont respectés. Lorsque quelqu’un décède, il est considéré comme malade jusqu’à ses funérailles qui peuvent avoir lieu plusieurs semaines, mois, voir années après OLYMPUS DIGITAL CAMERAsa mort. La dépouille est conservée dans son propre tongkonan et fait l’objet de traitement particuliers afin qu’elle soient momifiée (injection de formol, utilisation de plantes spécifiques pour embaumés le mort). Dès que quelqu’un décède, un drapeau blanc est disposé devant le tongkonan dans lequel il repose et les villageois rendent visite à la famille en leur apportant des présents (sucre, cigarette, argent, etc). La question à se poser est alors de savoir pourquoi attendre si longtemps avant de procéder aux funérailles du défunt? Simplement parce que les buffles coûtent très chers et la famille peut avoir besoin de temps avant de réunir l’argent nécessaires à l’achat des bêtes qui seront sacrifiées lors de la cérémonie. D’autres part, la présence de chacun des membres de la famille est essentielle et si l’un ou l’autre, vivant loin du tongkonan familial, n’a pas les moyens nécessaires pour venir, les funérailles seront reportées jusqu’à ce que tous puissent être présents. C’est également pour cette raison que de nombreuses funérailles ont lieux en été (haute saisons touristique également), période de vacances et donc plus propice à un regroupement familial. Une fois fixée, la date des funérailles doit être validée par le chef du village. Et les buffles dans tout ça? Et bien selon les croyances Toraja, les buffles sont les montures de l’âme du défunt. Elles le conduiront aux portes du paradis où elles le déposeront, et d’où part un arc-en-ciel qui conduit au paradis. Les buffles et les cochons sacrifiés OLYMPUS DIGITAL CAMERA(ces derniers sont généralement des donations faites à la famille par les membres de la communauté) seront ainsi offerts au gardien des portes. Donc plus le nombre de buffles et de cochons sacrifiés est important, plus l’accès au paradis sera facilité. Un buffle peut coûter entre 40 et 400 millions de roupies (entre 3’000 et 30’000 CHF selon le buffle, les albinos étant les plus recherchés, les plus rares et donc les plus chers) alors qu’un cochon se marchande entre 3 et 5 millions (entre 200 et 400 CHF). On comprend donc aisément pourquoi il peut falloir un certain temps à une famille avant de pouvoir acquérir le nombre de buffles souhaité. Les funérailles revêtent donc par ce biais, une importance particulière au niveau du statut économique d’une famille. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir les cornes des buffles sacrifiés lors de cérémonies funéraires exposées sur le devant du tongkonan familial, comme une indication de sa richesse et donc de son statut social. La cérémonie dure plusieurs jours et les sacrifices peuvent atteindre plusieurs centaines de cochons et des dizaines de buffles, selon la richesse de la famille. Tous les cochons ne sont pas tués et certains sont offerts à des familles ou à des institutions (généralement l’église) en guise de remerciement. Ceux qui sont sacrifiés, sont dépecés sur place et soit cuisinés directement, soit leur viande est repartie entre les villageois présents. Là, on avoue ne pas avoir compris pourquoi, comment, combien, mais ça paraissait bien rodé avec quelqu’un au micro qui annonçait les noms et chacun venait chercher sa part. La viande et les cochons vivants ainsi offerts peuvent être revendus au OLYMPUS DIGITAL CAMERAmarché et rapporter un peu d’argent à leur nouveaux propriétaires. Une autre tradition qui fait la renommée des Toraja est la confection des tau-tau, autrement dit des statues à l’effigie des défunts. Ainsi, les Toraja avaient pour coutume de déposer leurs morts dans des tombeaux familiaux dans des grottes. Les paroies étaient alors utilisées afin d’y creuser des balcons sur lesquels trônent les tau-tau. Autrefois, les statues étaient taillées dans de la pierre ou du bois et disposées au dessus des tombeaux et plus ils étaient placés haut sur la falaise plus le statut social etait élevé. Malheureusment, il y a eu beaucoup de vols ces dernières decénnies et il ne reste plus que quelques endroits où il est possible de les voir (Londa et Lemo sont les lieux les plus connus et facilement accessibles). Actuellement les tau-tau sont réalisés avec des techniques plus modernes et ressemblent trait pour trait au défunt, et si le travail n’est pas assez réussi aux yeux de la famille, l’artisant n’est simplement pas payé. On peut donc observer à Londa, un balcon rempli de statues grandeur nature des défunts qui reposent dans la grotte juste en dessous, et on a presque l’impression de se retrouver au musée grevin. Normalement, seuls les parents ou les grands parents ont leur propres tau-tau, généralement faits à la demande des enfants, mais certaines fois, ils peuvent être commandés avant leur mort afin qu’ils valident le travail et voient ce qui les représentera pour l’eternité. Les bébés décédés reçoivent (recevaient, car il semblerait que la pratique n’ait plus lieu depuis une vingtaine d’années) un traitement particulier, car s’il mourraient avant d’avoir leurs dents, cela signifiait OLYMPUS DIGITAL CAMERAque leur âme était encore pure et qu’ils trouveraient le chemin vers le paradis tout seul, sans avoir besoin de monture (sacrifice de buffle) pour les y conduire. Les dépouilles étaient déposées dans des arbres (les fameux « baby graves trees ») dans lesquels étaient creusés des trous afin d’y laisser le corps emailloté. Les arbres doivent avoir une sève blanche, rappelant le lait maternel, et souvent l’ouverture était rebouchée afin d’éviter l’intrusion d’animaux et d’insectes. Ainsi, le bébé continue à grandir avec l’arbre en direction du ciel. Certains arbres pouvaient accueillir plus d’une dizaine de sépultures et on peut en observer à Kambira, à côté du village de Sangalla au Sud-Est de Rantepao. Ceci n’est bien entendu qu’un survol des traditions Torajas et il a y une bibliographie riche à ce sujet pour ceux qui voudraient creuser un peu plus. Nous n’avons ici relaté uniquement ce que nous avons compris et retenu des discussions avec notre guide Paolus, qu’on remercie encore chaleureusement pour avoir su partager avec tant de gentillesse et de simplicité sa si riche et si intéressante culture. On précise également que ces informations n’ont pas toues été vérifiées, peuvent être approximatives ou incomplètes (barrière de la langue) ou encore qu’elles ont pu être simplifiées afin que nous les comprenions. Dans tous les cas, on est forcé d’admettre que la culture Toraja est complexe et que nous avons eu accès qu’à une petite partie, mais nous avons réellement apprécié ces moments de partage avec Paolus, qui répondait systématiquement avec plaisir et intérêt à toutes nos OLYMPUS DIGITAL CAMERAquestions. La place de la mort a, ici, une place bien particulière et revêt une importance essentielle, que la culture Toraja a su préservée malgré l’adoption du protestantisme. Lorsque nous avons posé la question à Paulus de savoir s’il était inquiet pour la perpétuation de ses traditions auprès des jeunes générations, il a répondu avec beaucoup d’assurance que cela ne lui faisait pas peur, dans la mesure où les enfants et les jeunes sont très impliqués dans la vie familiale et veulent offrir à leur parents des funérailles aussi grandes que possibles et voudront eux aussi avoir ce traitement particulier à leur mort. Selon lui donc, les croyances ne sont pas prêtes de se perdre, tout au plus elles évolueront avec leur temps. On retient et on aime également cette belle explication de Paolus au sujet de la mort et des differentes religions (la région ayant été le théâtre de violences intereligieuses il y a quelques années encore entre protestants et musulmans, et voit l’édification d’une mosquée au centre-ville comme une sorte de prosélytisme de la part du gouvernement) lorsqu’il nous a expliqué que finalement toutes les religions ont un paradis et que c’est la destination commune à tout le monde, qu’on allait tous dans la même direction mais que chacun pouvait choisir un chemin différent (une religion différente) pour y parvenir. Une bien belle pensée, simple et pleine de bon sens, issue d’une belle personne.

Au cœur d’une cérémonie funéraire

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OLYMPUS DIGITAL CAMERAComme on l’a dit plus haut, les funérailles revêtent une importance particulière et on peut se demander comment ça se fait que les touristes du monde entier viennent ici pour y assister. D’un point de vue purement occidental, cela peut paraître bizarre de s’immiscer dans une moment si intime, mais dans la culture Toraja, pas besoin d’être proche de la famille pour y assister, tout le monde y est le bienvenu, pour autant qu’il amène un don à la famille (du cochon à la cartouche de cigarettes ou au paquet de sucre voir un peu d’argent, les possibilités sont nombreuses). C’est la raison pour laquelle les touristes sont également les bienvenus pour assister à la cérémonie, qui dure généralement plusieurs jours. C’est peut-être aussi l’occasion pour les locaux d’avoir un petit revenu supplémentaire, mais cela ne nous a pas vraiment été confirmé. C’est ainsi que notre journée « funérailles » commence, avec la visite du marché afin d’aller y acheter la donation, une cartouche de cigarette et un kilo de sucre. On hume la bonne odeur des grains de café fraîchement moulu et ici il font vraiment du bon café, et on croise des petits ateliers de coutures OLYMPUS DIGITAL CAMERAoù les artisans utilisent des machines à coudre à pédale. On poursuit avec la visite du marché aux bêtes, une esplanade complète réservée aux cochons et aux buffles qui sont vendus pour les funérailles. Et c’est là qu’on prend la mesure de l’importance de ces animaux pour les cérémonies funéraires, ça paraît presque surréaliste que tous ces animaux soient exclusivement réservés à ce rituel. Même si certains feront des combats face à d’autres buffles, ils finiront de toutes façons leur vie lors d’une cérémonie funéraire. On enfourche des motos taxi et on se rend aux funérailles. C’était une cérémonie d’une famille modeste, donc loin du faste des familles « High Class » mais on était totalement plongé dans la réalité du moment, en étant les seuls occidentaux au milieu de la petite centaine de personne. Paolus nous fait nous asseoir sous l’un des grenier à riz avec d’autres personnes, face au tongkonan devant lequel repose le corps et la famille du défunt vient nous saluer et nous propose des bonbons. Ils ne paraissent pas tristes et Paulus nous explique que ce n’est qu’une façade, ils doivent se réjouir du passage de la personne décédée dans l’autre monde, mais au fond, ils ont une grande tristesse. On offre nos donations et on nous sert à boire. La belle fille du défunt, qui vit en Malaisie vient nous parler, c’est un peu la seule à parler anglais. Dans un moment pareil on est forcé de se demander si on est vraiment à notre place et ce qu’on apporte à la situation, on n’ose pas sortir l’appareil photo afin de ne pas tomber dans le voyeurisme. Mais ca c’est notre point de vue, car rapidement Paolus nous dit qu’on peut sans autres se balader et prendre des photos pour avoir OLYMPUS DIGITAL CAMERAdes souvenirs. C’est donc un peu timide qu’on sort l’appareil et c’est avec étonnement qu’on voit les gens nous saluer et nous sourir lorsqu’on prend des clichés. C’est presque une façon de briser la glace. Plusieurs cochons ligotés à des bambous sont déposer au milieu de l’assemblée et sont marqué au spray pour savoir de qui ils proviennent et lesquels seront sacrifiés (c’est en tout cas ce qu’on a compris). Quelqu’un prend le micro et remercie un par un les gens qui ont fait don d’une bête. On nous sert à manger, du riz, du poisson et du cochon cuit dans du bambou. C’est pas mauvais, mais un peu spécial, on se rend compte qu’ils y mettent toutes les parties du cochon, accompagné d’oignons et différentes épices. Puis vient le moment des sacrifices, et tout se passe très vite, un coup de lame en plein cœur, et les cochons rendent leur dernier souffle plus ou moins bruyamment. On a pas l’habitude de voir ça et ça peut paraître un peu barbare, mais dans un contexte si particulier où tout cela paraît si normal, la violence du moment n’est pas tant perceptible, surtout que les enfants jouent là autour tranquillement. Tout de suite après, les bêtes sont brûlées au chalumeau puis dépecées rapidement. Vient ensuite la répartition de la viande dont une partie est utilisée pour les repas des jours suivants. Encore une fois c’est avec le micro qu’un maître de cérémonie officie et chacun vient prendre sa part lorsqu’il est appelé. Paolus nous dit qu’il va tout de même y avoir le sacrifice d’unOLYMPUS DIGITAL CAMERA buffle aujourd’hui malgré le fait que c’était plutôt prévu pour le lendemain. La bête est amenée un peu l’écart, attachée d’une simple corde et paraît apaisée. Et d’un simple mais précis coup de machette, un homme lui tranche la gorge et l’effusion de sang commence. L’animal, sans un bruit se débat un instant, puis titube pendant une trentaine de secondes avant de s’écrouler dans la marre de son propre sang. La dépouille est amenée au centre pour y être dépecée en quelques minutes par plusieurs hommes. Et à la surprise générale, lorsque l’un des hommes ouvre le ventre du buffle, un fœtus en sort. Paolus nous dit que c’est la première fois qu’il voit ça et vu la tête des gens, eux aussi. C’est sûr que s’ils avait su que la bête était portante, ils ne l’auraient pas sacrifiée. On reste encore un petit moment à observer le dépeçage puis on s’en va chez Paolus boire un café et un verre de Balok (vin de palmier). Au final on sera resté environ 3h à la cérémonie, à se sentir parfois tout à fait à l’aise, OLYMPUS DIGITAL CAMERAparfois un peu moins, mais avec le sentiment d’être privilegié de pouvoir nous immiscer dans un quotidien si différent du nôtre et dont on ne peut saisir toutes les dimensions. En haute saison, de juin à août, cela doit être radicalement différent tant il y a de touristes indonésiens et internationaux, et pour notre part nous avons réellement eu la chance d’être les seuls occidentaux présents dans une petite cérémonie. On rentre à l’hôtel pour nous préparer pour notre trek du lendemain, et après la journée bien dépaysante qu’on a vécue, on a bien hâte de découvrir la région du Tana Toraja et toutes ses merveilles.

A la découverte des tau-tau

OLYMPUS DIGITAL CAMERAOLYMPUS DIGITAL CAMERADe retour de notre trek en début d’après-midi, on revient à notre hôtel avec le scooter que Paolus nous a très gentiment prêté pour la journée. Avant d’aller découvrir les tau-tau et les tombes, on décide tout de même de prendre une douche. Malheureusement, la météo aura eu raison de nous pour une bonne partie de la journée, en nous bloquant pendant près de deux heure dans notre chambre. En effet, vu les trombes d’eau qui tombent, impossible de sortir et encore moins avec un scooter. À la première accalmie on saute sur notre scoot et on part en direction de Londa, l’un des sites les plus connus, et qui appartient à une famille qui exploite l’endroit. Le prix d’entrée va au gouvernement et la visite dans la grotte se paie à la famille. Après quinze minutes de route, on arrive sur place et on observe le balcon de statues, assises et debout, certaines semblent d’une autre époque, d’autres très rescentes. Toutes regardent en face et on a l’impressions qu’ils sont les spectateurs des visiteurs. En-dessous et à côté, se trouve des cercueils entassés dans les trous de la paroie. On pénètre dans une petite grotte où là encore on trouve des cercueils entassés, certaines avec une photo et des offrandes, d’autres simplement poussiéreux, avec des crânes et des os qui traînent par-ci par-là. L’endroit est un peuOLYMPUS DIGITAL CAMERA glauque et ressemble à une crypte décorée pour Halloween tellement cela paraît surréaliste, les autres touristes (indonésiens) n’hésitent d’ailleurs pas à poser avec un crâne et des ossements dans les mains, voir à leur mettre des cigarettes entre les dents. Il est possible de visiter la grotte principale avec un guide portant une lampe à huile électrique, et où se trouve tous les cercueils, mais nous décidons de repartir pour aller visiter le second site à Lemo, quelques kilomètres un peu plus au Sud. Malheureusement, après quelques minutes de route on se retrouve sous une pluie battante et on rebrousse chemin rapidement pour nous mettre à l’abri dans un petit bistrot en ville. On passe notre dernière soirée à notre hôtel, éclairé à la bougie à cause d’une coupure d’électricité et on fait la connaissance de Stéphanie, une sympathique fribourgeoise qui passe quelques semaines en Sulawesie. On va d’ailleurs faire toute la route jusqu’au îles Togian en sa compagnie. Notre passage chez les Toraja aura été écourté d’un jour par rapport à nos premiers plans car on OLYMPUS DIGITAL CAMERAs’est rendu compte que nous devions être un jour avant la date prévue à Amapana pour prendre le ferry, car il n’y en a pas le vendredi et pour repartir des îles il n’y en a que deux par semaine, et vu les distances à parcourir et l’état des routes, mieux vaut bien calculer son coup. Mais on retient de ce séjour un accueil formidable de la part de notre guide Paolus (on lui dédie un chapitre dans notre article sur notre trek ici) , qui nous a touché par sa gentillesse et sa simplicité, et nous a permis de découvrir cette culture si particulière et riche qui paraît être d’un autre temps et pourtant bien ancrée dans le présent.

Infos pratiques et Galerie Photos

Bus Makassar- Rantepao : 9h du matin ou 21h, environ 140’000 le ticket. La gare se trouve à environ 20-30 min du centre ville. Comptez minimum 11 h de trajet. La route est vraiment en bonne état, mais sineuse, donc pour les malades en voiture mieux vaut prévoir un petit quelque chose pour la route.

Bus Rantepao – Tentena : Le départ se fait à 9h du centre de la ville, mais vous pouvez demander un pick-up à votre hôtel à 170’000 Rp par personne (les sièges tout devant ont souvent plus d’espace). Il y a deux agences de bus (on a opté pour l’agence Rappan Marannu, à côté du café Aras) qui se trouvent autour de la « station de bus » (c’est pas vraiment une station de bus, les bus s’arrêtent les uns dernières les autres au bord de la route en plein centre ville). Comptez environ 13h de trajet avec de la chance, l’état de la route est moins bonne que pour Makassar – Rantepao, environ 70% de bonne route et 30% de mauvaise. Parfois il y a des portions de routes fermées dans un sens (en alternance) pour causes de travaux enter Pendolo et Tentena.


Que voir à Tana Toraja
: Il y a de nombreuses choses à faire et à découvrir, que cela soit à travers un trek ou juste des visites dans la journée autour de Rantepao. Pour découvrir la région par vos propres moyens, vous avez meilleur temps de louer un scooter et de vous munir de l’application maps.me (GPS Off ligne). Environ 70’000 Rp la location de scooter à la journée. Il y a également le Mont Sesean d’où vous pouvez admirer le levé de soleil et la mer de brouillard.

Où voir les tombes et Tau-Tau : Il y a surtout deux sites pour découvrir les tau-tau et les tombes, les deux à 20’000 l’entrée. Le premier, Londa (celui qu’on a fait) à 4-5 km de Rantepao, où se trouve des grands tau-tau et des cercueils suspendus devant le mur de la grotte et également des tombes à l’intérieur de la grotte. Le second, Lemo, un peu plus loin sur la route, avec tes tau-tau et des tombes creusés dans la roche, mieux vaut le voir le matin pour avoir la façade bien éclairée.

Où voir les maisons traditionnelles tongkonan : Il y en a un peu partout mais certains site sont plus accessibles et jolis que d’autres. Le village de Bori, connu également pour ses monolithes et son rocher de tombe, au Nord de Rantepao et Ke’te Kesu surtout connu pour ses maisons, les deux à 20’000 Rp l’entrée.

Comment réserver un guide: Il vous suffira de descendre du bus pour vous faire accoster par des « guides ». Le mieux est encore de vous rendre au café Aras, sur la rue principale, à quelques pas de la station de bus, et de discuter avec les guides présents. Une journée avec un guide pour aller voir une cérémonie funéraire, les tau-tau ou encore les tongkonan, revient plus ou moins à 500’000 Rp, tout dépend des activités et de la durée (1’000’000 Rp pour un trek de deux jours pour deux).

Les coordonnées de Paulus notre guide: Si vous désirez visiter les lieux avec notre guide Paulus, vous pouvez le contacter en anglais par sms ou par téléphone si possible 2-3 jours avant d’arriver à Rantepao. Son numéro +62 813 43 54 75 99 ou son contact Facebook ici

Où dormir à Rantepao : On a dormi chez Wisma Imanuel, conseillé par le Lonely, mais très mauvaise expérience. A part l’emplacement, le reste est vraiment bof bof et cher pour le rapport qualité-prix, à 200’000 la chambre. Il y plusieurs solutions, mais comme nous ne les avons pas testées on n’en recommande pas une particulier.

Où manger à Rantepao : Il y a un peu de street food, sinon deux restaurants plus pour les occidentaux, le Aras Café (bonne adresse pour rencontrer un guide) et le Rimiko Restaurant, tous deux sur la rue principale.

Les arbres à bébés ou Baby graves : Le seul endroit dont nous avons connaissance est vers Sangalla, à 20km au Sud de Rantepao.

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